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Le blog de Bruno LACHNITT

Nuit de Noël : : Isaïe 9, 1-6 ; Psaume 95 ; Tt 2, 11-14 ; Luc 2, 1-14

29 Décembre 2019 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies, #homelies

Les textes de la liturgie de l’Avent nous ont parlé d’attente, de promesse, d’accomplissement. Nous avons été invités à mettre nos attentes en lien avec celle d’un peuple, le peuple de Dieu dont l’histoire nous est racontée comme une histoire sainte. Cette histoire sainte, vous savez que c’est une histoire d’Alliance car Dieu est Celui qui veut faire alliance avec nous. Et notre histoire à chacune et chacun d’entre nous, qui que nous soyons, quel que soit notre âge ou le point où nous en sommes, notre histoire est appelée à être une histoire d’alliance avec Dieu. Et dans la Bible, l’Alliance, c’est d’abord une promesse. Et dans la Bible, la promesse c’est souvent un enfant. Vous connaissez l’histoire d’Abraham, de Moïse et vous avez entendu tout à l'heure la lecture du prophète Isaïe qui nous annonçait la venue d'un enfant. On a parfois peine à comprendre pourquoi les plus pauvres ont souvent des enfants alors qu’ils ont déjà la vie si dure. Mais un enfant, c'est toujours une raison d'espérer. Accueillir un enfant, c’est faire le pari de la vie, affirmer qu’au-delà des difficultés présentes, cela vaut la peine de continuer, d’attendre, d’espérer. Cet enfant annoncé par Isaïe, on lui attribue des noms étonnants : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais » et il y en a qui un peut parler au cœur de tous : « Prince-de-la-Paix ». Et ce nom éclaire le début du texte qui nous dit qu’on ne verra plus les bottes des soldats, les bruits de la guerre et le joug de l’oppresseur. Le joug c’est cette pièce de bois qui pèse sur le cou des bœufs qui tirent la charrue et les tient solidaires pour avancer ensemble. Quand il fait alliance avec nous, Dieu nous veut libres. L’Alliance à laquelle Dieu nous invite est promesse de liberté.

Dans notre vie on nous a peut-être fait des promesses qui n’ont pas été tenues. Nous même en avons sans doute faites que nous n’avons pas tenues. Et notre vie elle-même nous apparaît parfois comme une promesse non tenue. La Bonne Nouvelle, ce soir, c’est que Dieu est lui-même la promesse qui ne saurait nous décevoir, et c’est à cet acte de foi que l’évangile nous invite : oser l’espérance, oser accueillir la venue de Dieu comme un don qui ne nous décevra pas.

Dieu se révèle ce soir dans la fragilité d’un enfant et c’est une invitation à ne pas avoir peur de nos propres fragilités, à savoir les accueillir, à reconnaître que là aussi en nous Dieu se révèle. Nous rêvons d’être forts, nous voudrions faire bonne figure devant Dieu, faire illusion devant les autres. Ce soir, la fragilité nous est manifestée comme le lieu de la révélation du visage de Dieu. Le Pape François nous rappelle dans « la joie de l’évangile » que « Jésus s’identifie spécialement aux plus petits » et que cela « nous rappelle que nous tous, chrétiens, sommes appelés à avoir soin des plus fragiles de la terre ».

Et parmi les fragiles de la terre, dans cette page d’évangile, il y a les bergers. Les bergers à l’époque, ce sont des gens très pauvres, des sans-logis qui dorment à la belle étoile en gardant les troupeaux et sont considérés comme des moins que rien. Ils avaient mauvaise réputation en Palestine et étaient considérés comme malhonnêtes et voleurs, un peu comme les roms aujourd’hui aux portes de nos villes. Ce n’est pas par hasard que l’Evangile nous dit que c’est à eux que les anges apparaissent pour annoncer la nouvelle. Ne croyez pas que c’est parce qu’ils n’avaient trouvé personne d’autre ! C’est pour nous un signe.

A la prison dont je suis aumônier, des gars nous disent souvent : « Noël, c’est une fête de famille, ce n’est pas pour nous ». Et c’est une période difficile en prison, et chaque année j’y entre avec appréhension. La magie de Noël version Disney blesse la souffrance de ceux qui sont seuls et abandonnés. Mais si Noël n’est pas pour eux, ce n’est pour personne ! C’est ce que nous disent les bergers : la bonne nouvelle d’un Dieu qui se fait proche et nous rejoint dans notre humanité fragile dans la crèche, dans notre humanité blessée sur la croix, cette Bonne Nouvelle est en premier lieu destinée à ceux qui sont les plus fragiles et blessés.

C’est une invitation à aller plus loin que l'émerveillement devant ce qui pourrait ressembler à un conte, c’est une invitation à entrer dans le mystère d’un Dieu qui se fait proche jusqu’à emprunter nos routes d’hommes, et c’est beaucoup mieux qu’un conte. Noël cette nouvelle inouïe, incroyable d’un Dieu qui nous rejoint, à travers les bergers, je vous invite ce soir à essayer de l’entendre comme pour la première fois, de redécouvrir l’inouï de cette annonce avec celles et ceux pour qui Noël n’évoque pas de bons souvenirs, ceux qui sont seuls, sans famille, en prison, à l’hôpital, trahis, abandonnés, désespérés.

Car si nous faisons ainsi mémoire de l’événement passé de la naissance de Jésus, c'est parce qu'il éclaire notre présent et nous ouvre un avenir. Si nous pouvons discerner dans l’enfant de la crèche le signe que Dieu est lui-même la promesse qui ne peut nous décevoir, c’est parce que nous célébrons cet événement à la lumière d’un autre événement, central, celui de son relèvement d’entre les morts ; car nul n'aurait jamais raconté la naissance de cet homme, si personne n'avait un jour témoigné qu'il fut ressuscité.

Alors c'est aujourd'hui jour de fête et de joie. Que ces trois mots : Alliance, promesse et fragilité nous éclairent sur notre route. Que notre émerveillement devant cet enfant emmailloté dans une mangeoire au milieu de la crèche nous rappelle que c'est quand il est fragile et vulnérable que l'homme nous révèle le visage de ce Dieu qui veut faire alliance avec nous, si nous voulons bien l’accueillir ! Ainsi soit-il !

 

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