Année C 24ème dimanche ordinaire
La liturgie de ce dimanche nous donne à entendre l'ensemble du chapitre 15 de l’évangile
Les trois récits sont donc apparemment parallèles. Mais le troisième se distingue cependant à quelques indices. Les deux premiers évoquent le bon sens : « lequel d'entre vous… ou encore quelle femme… ? ». Il s'agit là d'évidence, n'importe qui ferait pareil. Le troisième ne dit pas une situation commune mais raconte une histoire. Et si les deux premières paraboles se terminent avec évidence sur la fête, la troisième met en scène un « trouble-fête ».
L'histoire commence avec une rupture d’un fils cadet avec son père, rupture qui intervient à la suite de la revendication de sa part d'héritage. Ce faisant, il met son père en dehors de sa vie, il fait en quelque sorte comme s’il était mort, il rompt
Mais la pointe du récit est du côté du père. « Comme il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié : il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers… ». Le père restaure la filiation mais elle est totale gratuité, cadeau, sans proportion avec quelque mérite, elle n'est surtout l'objet d'aucune revendication. Mais c'est précisément parce qu'elle n'est l'objet d'aucune demande qu'elle peut être totale gratuité. Un cadeau, par définition, ça ne se revendique pas, ce n’est pas un dû. On peut se demander si l’amour n’est pas par nature un cadeau. Peut-on exiger de l’autre qu’il nous aime ? Parce qu’il ne réclame rien, le fils cadet est en position de recevoir cette gratuité. « Et ils se mirent à festoyer ».
Alors l'aîné revient des champs. Lui pense avoir des mérites à faire valoir. Rien de pire que l’apparente fidélité qui donne l’illusion d’accumuler des mérites car elle rend imperméable à la grâce. Il n’est donc pas en positon de recevoir un don gratuit. Mais ne peut-il le comprendre ? Nous avons été avertis par les deux premières paraboles : « Lequel d'entre vous…, quelle femme… ? », n'importe qui ferait pareil !
Et « s'il y a de la joie chez les anges de Dieu », il est singulier que les justes fassent
Tout le récit tourne autour de la relation au père. Dans le discours de l'aîné, cette relation joue comme mérite, mais la fidélité résonne ici du côté du paraître et dès lors que la relation au père est mensonge, la relation au frère est jalousie.
Mais si la relation au père fonctionne sur le registre du mérite, c'est déjà le fait de
Alors en méditant ces textes m’est revenue à l'esprit une phrase de Roland BARTHES dans un livre sur Racine, en commentant Britanicus. Parlant de Néron qui a empoisonné sa mère, BARTHES écrit : "l'ingratitude est la forme obligée de la liberté". C'est tout l'enjeu de l'épisode de la première lecture dans le livre de l’Exode: la reconnaissance du don de l'acte originaire de la liberté, la sortie d'Egypte. Et le péché du peuple n'est pas seulement de se vautrer devant une statue faite de mains d'homme, mais surtout de dire en désignant l'idole : "Voici tes dieux qui t'ont fait sortir du pays d'Egypte". Et Dieu lui-même dit à Moïse : "ton peuple s'est perverti, lui que tu as fait monter du pays d'Egypte", comme si le don avait besoin d'être reconnu pour exister, et c'est le don qui fonde l'Alliance. C'est le choix décisif devant lequel est placé chacun d'entre nous: la liberté est elle en concurrence avec la grâce ou s'accomplit-elle par