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Le blog de Bruno LACHNITT

Palestine

Reprise spirituelle de quelques jours de rencontres en terre déchirée

Premier point:

Chrétiens nous reprenons la prière des psaumes et nous devons interroger à la lumière de ce qui se passe ici, notre manière d'habiter notre rapport à cette terre et à l'élection du peuple juif. Religieux et religieuses, prêtres et diacres redisent chaque matin le cantique de Zacharie dans l'évangille de Luc qui dit: "Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, qui visite et rachète son peuple. Il a fait surgir la force qui nous sauve, dans la maison de David, son serviteur", et chaque soir le Magnificat, chez Luc aussi selon lequel Marie dit que Dieu "se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères en faveur d'Abraham et de sa race à jamais." Nous reprenons aussi celui d'Ezéchiel : "vous habiterez le pays que j'ai donné à vos pères; vous vous serez mon peuple, et moi je serai votre Dieu." Ou encore le psaume 28 qui se termine par : "Le Seigneur accorde la puissance à son peuple, le Seigneur bénit son peuple en lui donnant la paix". Comment recevoir et habiter ces paroles d'une façon qui permette à chacun de trouver sa place? Pierre écrit à des chrétiens d'une communauté dans ce qu'on appele sa deuxième épître, c'est-à-dire lettre : "Ce que nous attendons, selon la promesse du  Seigneur, c'est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice". Comment habiter la tradition dont je suis l'héritier d'une façon qui ne fasse pas obstacle à l'avènement de cette terre nouvelle où résidera la justice, mais au contraire y contribue ?

Deuxième point:

Nous, les chrétiens, nous croyons que Dieu se révèle pleinement lorsqu'en Jésus il se dépouille de sa puissance pour prendre la place du plus rejeté. Paul écrivait aux Ephesiens : "C'est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine..." Nous ne pouvons pas lire ces lignes ici sans penser au mur de l'apartheid et à ce que nous avons vu et entendu. Nous croyons que la mort de Jésus abandonné par tous est la pleine révélation de Dieu parce que Dieu est amour et que rien ne peut mieux révéler cela que cette vie donnée par amour. Et nous croyons que cet amour jusqu'à l'extrême est plus fort que la mort. Mais nous ne croyons pas vraiment cela si nous refusons d'entrer nous aussi dans ce mouvement, de remettre en cause nos privilèges et notre propre puissance pour être avec ceux qui sont abandonnés ou opprimés. Faire le chemin de croix sur la "via dolorosa" en ignorant l’occupation vécue sur cette terre, n'a pas beaucoup de sens. Car nous croyons qu'aujourd'hui c'est en étant avec ceux qui souffrent que nous trouvons le Christ. Marie était une jeune femme sur une terre occupée. Elle ressemblait sûrement plus à Elen, cette femme palestinienne qui nous racontait sa souffrance de mère quand son fils a été emmené par les soldats et atrocement battu, qu'aux statues pieuses où l'on se plait à la représenter. Comment les chrétiens, notre Eglise, sont-ils situés sur cette terrre, quelle forme de présence choisissent-ils, qu'est-ce qu'elle cautionne, qu'est-ce qu'elle interroge? Les volontaires de la paix, cette soeur franciscaine que nous avons rencontrée à Hébron dans la vieille ville ne sont-ils pas ceux qui donnent aujourd'hui à cette terre  un goût d'évangile ? C'est dans la mesure même où la vie
des hommes éclaire l'Evangile que l'Evangile éclaire la vie des hommes.Il y a ce qu'on appelle un rapport dialectique entre les deux, c'est-à-dire que la façon dont nous sommes situés n'est pas indifférente pour que la Parole de Dieu puisse féconder notre vie. Comment suis-je situé? Comment l'expérience que nous venons de vivre ensemble interroge-t-elle la manière dont je suis situé, à quel déplacement cela m'invite?

Troisième point:

Terre Sainte : notre parcours dans ce qu'on appelle les "lieux saints" nous a fait toucher du doigt la dimension religieuse de l'enjeu de Jérusalem. Pour les chrétiens, le saint sépulcre est d'abord un lieu vide: notre foi est fondée sur l'événement de la Résurrection du Christ. "Pourquoi chercher parmi les morts Celui qui est vivant" disent les anges aux femmes venues l'embaumer au matin de Pâques. Nous croyons que les hommes sont plus importants que les pierres, et que nous rencontrons le Christ depuis le début de ce voyage chez les femmes et les hommes opprimés que nous avons rencontrés et qu'Il nous précède auprès d'eux.

Notre guide juif nous expliqua que les juifs qui prient devant le mur ne prient pas tournés vers le mur mais vers le dôme du rocher, lieu où David aurait déposé l'Arche de l'Alliance entre Dieu et le peuple juif, lieu qui aurait été ensuite le saint des saints du Temple. Nous restons avec la question de l'articulation de la Foi et du vivre ensemble : l'expression de la Foi est-elle un obstacle au vivre ensemble, passe-t-elle avant l'exigence du vivre ensemble ? Ou bien une compréhension de la Foi est-elle possible qui place l'exigence de vivre ensemble comme condition de l'authenticité d'une attitude de croyant ?

Quatrième point:

Le livre du prophète Isaïe dit au chapitre 66 (1-2) : "Ainsi parle le Seigneur: le ciel est mon trône et la terre l'escabeau de mes pieds. Quelle est donc la maison que vous bâtiriez pour moi ? Quel serait l'emplacement du lieu de mon repos ? De plus, tous ces êtres, c'est ma main qui les a faits et ils sont à moi, tous ces êtres - oracle du Seigneur-, c'est vers celui-ci que je regarde: vers l'humilié, celui qui a l'esprit abattu et qui tremble à ma parole."

Mettre le plus fragile, le plus rejeté au coeur de notre engagement et laisser interroger chacun notre rapport à notre Foi à partir de cette priorité, n'est-ce pas le meilleur chemin pour inventer un dialogue entre les croyants de religions différentes? C'est ce que je me demandais lorsque nous visitions le foyer pour personnes qui ont un handicap mental à Beit Sahour. Après tout, ne nommons nous pas tous Dieu "le miséricordieux" ?

Seigneur notre Dieu, Allah, Adonaï, toi que tous nous nommons "le miséricordieux", donne-nous chacun sur son chemin, d'être mieux ajustés à ta miséricorde, donne-nous de nous engager ensemble avec ceux qui sont opprimés ou rejetés dans notre société, donne-nous la force et la détermination pour faire advenir ensemble la justice, sans violence et sans haine.

BL, Nazareth le 28 octobre 2008

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