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Le blog de Bruno LACHNITT

Quatrième dimanche année A

4 Février 2008 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Heureux ! Le premier message de l’évangile de ce jour est celui là : Dieu nous veut « heureux » ! Et il est bon pour nous de l’entendre, tant ce qu’on a appelé la « névrose chrétienne » a pu marquer notre inconscient collectif. Plus on en baverait, plus on serait chrétien. On a presque tous plus ou moins quelque chose de cet ordre dans un coin de notre tête. Il est donc bon que nous goûtions cette évidence : Dieu veut notre bonheur, sans réserve.
En même temps, je me souviens que Maurice CLAVEL, philosophe et croyant, fulminait contre le culte de notre société moderne pour l’ « épanouissement » et disait avec la provocation dont il avait le goût et le talent : « les têtes de veau sont épanouies à l’étalage ». Dieu nous appelle au bonheur, certes, mais c’est quoi, le bonheur ?
Et un petit détour par les autres lectures de ce jour peut nous donner quelques indices. Sophonie d’abord, qui s’adresse aux humbles et invite encore à chercher l’humilité pour être à l’abri au jour de la colère du Seigneur. On n’aime pas bien çà, la colère de Dieu. Entre nous, je ne connais pas beaucoup d’enfants qui aiment la colère de leurs parents. Mais comment conjuguer cet appel à être heureux et cette menace de la colère ?
Le psaume 145 nous décrit la miséricorde en acte : Dieu fait justice, donne du pain, délie, ouvre les yeux, redresse, protège, soutient. Pour qui ? Les opprimés, les affamés, les aveugles, les accablés, l’étranger, la veuve et l’orphelin. Comment ? Ce n’est pas dit, mais au milieu du psaume s’intercale un verset qui n’est pas une action : le Seigneur aime les justes, et à la fin ; le Seigneur est ton Dieu pour toujours, qui laissent penser que c’est par l’action du juste que le Seigneur fait tout cela pour tous ceux là.
Quand Sophonie parle d’un petit reste, un peuple petit et pauvre, qui aura pour refuge le nom du Seigneur, ce texte trouve parfaitement écho dans les déclarations de Paul aux Corinthiens : parmi vous il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance, mais au contraire, ce qu’il y a de faible dans le monde, ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est rien… Le bonheur auquel nous sommes appelés ne dépend donc pas du fait d’être sage aux yeux du monde, ni puissant, ni riche, ni de haute naissance. Rien de tout cela ne procure ce bonheur. Non, heureux les pauvres, heureux vous qui pleurez maintenant, heureux vous qui avez faim maintenant ! Je prends exprès la formulation de Luc, plus brute que celle de Matthieu, pour bien entendre ce qu’il y a là de choquant et ne pas trop vite spiritualiser ce discours pour s’en protéger.
Car enfin, assez légitimement, nous aurions tendance à dire que si on pleure, c’est qu’on est malheureux, si on a faim et soif, on est malheureux, si on est pauvre, on est malheureux ! Et on pense quand même secrètement les uns et les autres qu’il vaut mieux être riche et bien portant que pauvre et malade, comme on le dit assez souvent avec une pointe d’humour, mais quand même ! Et c’est bien là le problème, car ce Dieu qui nous parle d’être heureux là où nous situons le malheur peut vite nous sembler pervers et on retrouve la névrose chrétienne : plus on en bavera, plus on lui fera plaisir ! Mais un tel Dieu n’est pas celui que Jésus appelait « Père ».
Si la miséricorde de Dieu, comme le dit le psaume, est à l’œuvre à travers le juste qui fait justice aux opprimés, donne du pain aux affamés, délie les enchaînés, ouvre les yeux des aveugles, redresse les accablés, protège l’étranger, soutient la veuve et l’orphelin, alors il est heureux d’y prendre part, qu’on soit d’un côté ou de l’autre, et ce peut être parfois de l’un, parfois de l’autre, car l’accablé peut aussi protéger l’étranger, comme la veuve nourrir l’affamé, ou l’étranger redresser l’accablé. Être pris dans le mouvement de la Charité est bien la clé du bonheur puisque c’est participer de la vie même de Dieu. Ce renversement, cette conversion prend à revers nos hiérarchies habituelles de valeurs, celles sur lesquelles nous bâtissons notre vie, en dehors du temps très limité que nous consacrons à Dieu. Nous risquons donc d’être malheureux. Et ceux qui sont ce qui est faible aux yeux du monde, ce qui est méprisé dans le monde, ce qui n’est rien, sont-ils à l’intérieur ou à l’extérieur de nos églises ? Le regard que nous porterons sur eux, dira si nous avons les yeux du monde. Entrerons nous dans la danse de l’amour pour redresser, délier, protéger, soutenir,… ou resterons nous tristes et désemparés ? Mais même là, il n’est pas de point où Dieu ne puisse nous rejoindre pour faire route avec nous et nous tendre la main. Et cette main tendue pourrait bien être celle de l’opprimé, de l’accablé, de l’étranger,…
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