Nous sommes ici pour accueillir et diffuser la lumière de Bethlehem, démarche qui se veut une mobilisation pour la paix. Je voudrais donc vous inviter à une méditation sur la paix.

La première question que je vous invite à vous poser chacune, chacun, c'est pour quoi, en deux mot pour quoi, pour quoi je serais prêt à me battre ? Peut-être les plus jeunes qui se battent trop souvent sur la cour de récréation ou en famille peuvent-ils avoir plus de facilité à répondre à cette question. À quoi est ce que je tiens suffisamment pour prendre les armes pour le défendre ? Si je réponds "rien", je ne suis pas sûr que ce soit un grand pas vers la paix, peut-être de l'inconscience, peut-être le révélateur que j'ai tellement pris l'habitude que d'autres se battent à ma place pour défendre mon mode de vie que je n'imagine même plus de devoir le faire moi même, mais peut-être aussi que je ne sais plus dire à quoi je tiens vraiment, ce que je serais prêt à défendre au péril de ma vie.

Nous sommes dans un pays en guerre. Nous ne le mesurons peut-être pas vraiment, mais nos soldats se battent et parfois meurent sur divers terrains d'opération dans le monde et cet engagement peut avoir des conséquences sur les risques terroristes ici pour notre propre sécurité. Peut-être que je ne veux pas le savoir, peut-être que je ne me sens pas concerné, mais que je le veuille ou non, je suis de fait partie prenante de cette réalité. Cela me renvoie à la question précédente : est-ce que ce pour quoi mon pays est engagé dans une guerre a quelque chose à voir avec ce pour quoi je serais prêt à me battre ? Et qu'est ce que je fais avec cela ?

Enfin, les guerres qui déchirent aujourd'hui notre monde ont souvent un habillage religieux : au Moyen-Orient, en Afrique. Beaucoup de nos contemporains, certains d'entre vous peut-être, considèrent que la référence à Dieu génère plus de dommages que de profit pour l'humanité, que l'absence de référence à Dieu serait un état plus éclairé, plus avancé de l'humanité. Le dépassement du religieux conduirait-il plus sûrement à la paix ?

Je ne vous surprendrai pas en disant que je ne partage pas cet optimisme naïf, car si la méfiance vis à vis du religieux peut être légitime voire nécessaire et profitable c'est parce que le religieux est souvent une caricature de ce que Dieu espère de nous. Nous sommes trop souvent idolâtres, c'est à dire que nous confondons Dieu avec les représentations que nous en avons, quand nous n'utilisons pas l'image de Dieu au service de nos propres intérêts. Or celui qui cède à la tentation de réduire Dieu à la représentation qu'il en a, finit toujours un jour où l'autre par bénir des canons. Mais l'oubli ou le déni de Dieu peut produire des aliénations et des violences pires encore, le XXème siècle nous l'a suffisamment prouvé.

À Assise, à l'initiative du Pape Jean-Paul II, toutes les religions se sont retrouvées pour prier ensemble pour la paix. Je ne connais pas d'autre chemin qui permette de dépasser l'impasse de notre idolâtrie et de construire véritablement la paix.

La réponse à la première question que l'évangile nous invite à donner ou à découvrir, elle est contenue dans les béatitudes. L'une d'elles dit : « heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu ». On ne peut mieux dire que le rapport juste à Dieu ne peut produire la violence et la guerre. Une autre dit "heureux les persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux". Cela nous indique clairement quel bien précieux nous sommes invités à défendre au péril de notre vie. Jadis on disait chez les Romains : "si vis pacem, para bellum", "si tu veux la paix, prépare la guerre". Rien n'est plus illusoire, et quand nous préparons la guerre, nous produisons la guerre. La seule chose que nous devons ardemment préparer si nous voulons vraiment la paix, c'est la justice.

Alors je vous invite à renverser la première question de tout à l'heure : au lieu de "pour quoi je serais prêt à me battre, pour défendre quoi je serais prêt à prendre les armes ?", si nous nous demandions "qu'est-ce que je serais prêt à lâcher, à quoi je serais prêt à renoncer pour promouvoir la justice ?" Et il se pourrait bien qu’avoir une relation ajustée à cet au-delà de tout que nous nommons Dieu puisse s’avérer d’un grand secours pour répondre à cette question.

Méditation écrite il y a un an pour la lumière de Béthléem