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Le blog de Bruno LACHNITT

17ème temps ordinaire année B : 2 Rois 4, 42-44 ; Psaume : Ps 144, 10-11, 15-16, 17-18 ; Ep 4, 1-6 ; Jean 6, 1-15

4 Août 2015 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Nous pouvons en premier lieu être légitimement choqués par ce qui apparaît comme un « miracle » : Si Dieu intervient ainsi dans l’histoire des hommes, pourquoi pas plus ? Pourquoi ne met-il pas un terme à la faim qui frappe aujourd’hui encore tant de populations dans les pays pauvres ? Ce scandale a suggéré des interprétations modernes de cette page d’évangile qui gomment en quelque sorte ce miracle gênant : on a imaginé un miracle « explicable » où l’élan initié par les cinq pains et les deux poissons aurait déclenché une mise en commun générale de ce que chacun dissimulait par devers soi, et l’on sait bien dans nos repas partagés « tirés du sac » comme on dit à Lyon, qu’il y en a chaque fois de reste. Mais qu’importe finalement la matérialité du fait ? Ne sommes-nous pas surtout invités à changer de perspective, sans nous accrocher à un miracle inexplicable ni vouloir absolument en donner une explication rationnelle : il s’agit bien ici d’un signe et d’entendre de quoi…

Or si une chose est claire dans ce récit, c’est qu’il ne s’agit pas précisément de résoudre nos problèmes de partage. Rappelons-nous : au chapitre 12 de l’évangile de Luc quand du milieu de la foule, quelqu’un demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Homme, qui donc m’a établi pour être votre juge ou l’arbitre de vos partages ? » C’est clair. Là donc il s’enfuit parce qu’il « savait qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi ». Paradoxe, c’est sur ce motif mensonger que Pilate le laissera crucifier « parce que quiconque se fait roi s’oppose à l’empereur ». Jésus n’est pas là pour régler à notre place le partage des richesses que Dieu nous donne en abondance avec bonté. C’est ce que dit le psaume qui répond à la première lecture : « tu rassasies avec bonté tout ce qui vit ». C’est peut-être la première chose que nous rappelle ce signe : la pauvreté n’est pas l’effet d’un manque de prodigalité du créateur dont les dons suffisent largement à satisfaire les besoins de tous mais pas l’appétit de chacun comme le disait Gandhi.

Et puis il y a ce garçon avec ses cinq pains et ses deux poissons. Cinq pains et deux poissons « qu’est-ce que cela pour tant de monde ! » comme le dit André mais pour ce jeune homme tout seul il faut reconnaître que c’est beaucoup. Et comme je n’imagine pas que les disciples l’aient dépouillé manu militari, il faut bien admettre qu’il a dû lâcher ce bien précieux et passer d’une prévoyance excessive à la confiance d’un dénuement radical. Et nous pouvons noter que le signe n’intervient qu’à ce moment-là comme avec la veuve de Sarepta, lorsqu’on a renoncé au calcul qui retient par devers soi pour se jeter dans la confiance d’une générosité qui dépouille : le signe n’intervient qu’à partir de ce que nous apportons. Jésus ne transforme pas des pierres en pains, ça c’est au désert la proposition du tentateur lorsqu’il éprouve la faim. Au-delà du récit de cet événement au bord du lac de Tibériade, le signe nous renvoie à ce que nous allons vivre maintenant dans ce mystère de l’eucharistie. Comme ce garçon, nous arrivons à l’offertoire avec du pain et du vin et ce n’est qu’à partir de cela que l’eucharistie est possible. Cela signifie plus fondamentalement que c’est l’offrande de nos pauvres vies qui nous permet de communier à la plénitude du don de Dieu.

Nous savons en bonne théologie que la grâce du sacrement n’opère qu’à la mesure de la Foi de celui qui le reçoit. On le dit aisément du baptême. Mais curieusement nous avons souvent un rapport plus « magique » à l’eucharistie. L’Eglise a édicté des normes juridique pour y accéder qui confinent en certains cas à l’absurdité et portent obsessionnellement sur la discipline familiale, mais nous gagnerions à nous interroger sur les conditions d’efficience du sacrement. Suffit-il à celui qui exploite sans vergogne son prochain ou accumule les richesses bien au-delà de ses propres besoins, au détriment de la satisfaction de ceux de ses frères, qu’ils mangent le pain consacré ou boivent à la coupe de la nouvelle alliance pour communier à la plénitude du don de Dieu ? Evidemment non : « les fruits des sacrements dépendent aussi des dispositions de celui qui les reçoit » nous dit le catéchisme de l’Eglise catholique[1]. A en croire l’évangile, malheureux sommes-nous si nous sommes alors plus dans la dévotion que dans l’adhésion à quoi cet acte nous engage. Ce signe est alors pour nous invitation à nous demander à quelle conversion concrète nous sommes invités pour qu’en recevant tout à l’heure le pain rompu, en buvant à la coupe de la nouvelle alliance, nous communions vraiment à la plénitude du don de Dieu.

[1] N° 1128

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