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Le blog de Bruno LACHNITT

Jeudi-Saint Année C : Exode 12, 1-8.11-14 ; Psaume 115, 12-13, 15-18 ; 1Corinthiens 11, 23-26 ; Jean 13, 1-15

29 Mars 2013 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

 

En ce jeudi-saint, nous célébrons le dernier repas de Jésus avec les apôtres au cours duquel il a institué l’eucharistie. Essayons ensemble de comprendre un peu mieux ce dont il s’agit et comment notre vie, votre vie est appelée à être eucharistique.

La communion n’est pas d’abord et pas seulement une histoire intime entre Jésus et chacune ou chacun de nous. Benoit XVI écrivait dans Deus Caritas est : « Je ne peux avoir le Christ pour moi seul; je ne peux lui appartenir qu’en union avec tous ceux qui sont devenus ou qui deviendront siens. La communion me tire hors de moi-même vers lui et, en même temps, vers l’unité avec tous les chrétiens. » Quand nous mangeons ce pain et buvons à cette coupe, nous devenons ensemble présence du Christ pour ce monde.

Il nous est difficile de comprendre comment ce pain et ce vin, au moment de la consécration, deviennent présence réelle du Christ tout en restant pain et vin aux yeux de la science, et je ne vais pas vous exposer ici la doctrine de la transsubstantiation par laquelle l’Eglise depuis quelques siècles essaye de rendre compte de ce mystère. Mais l’alternative ne se réduit pas à maîtriser ces catégories où rester devant la porte d’une réalité définitivement hermétique. Pendant près de 12 siècles l’Eglise a vécu de l’eucharistie sans parler de transsubstantiation. Retenons que ce pain auquel nous communions, cette coupe à laquelle nous buvons, sont présence réelle du Christ ressuscité et essayons à travers les textes que l’Eglise nous donne à entendre aujourd’hui de mieux entrer dans ce mystère.

Nous fêtons en ce jeudi-saint le dernier repas de Jésus avec ses disciples, au cours duquel il a institué l’eucharistie et paradoxalement l’évangile que l’Eglise nous donne à entendre est le seul qui ignore le récit de cette institution. Il y a vous le savez quatre évangiles retenus par l’Eglise dans ce qu’elle reconnaît comme étant parole de Dieu inspirée par  l’Esprit-Saint à leurs auteurs. Ces quatre évangélistes sont Matthieu, Marc, Luc et Jean. Et Jean est le seul qui ne raconte pas l’institution de l’eucharistie mais qui décrivant ce dernier repas de Jésus avec ses disciples rapporte seulement ce geste du lavement des pieds. Et si l’Eglise choisit précisément ce récit pour le jeudi-saint, c’est qu’il y a un lien étroit entre tout ce que nous pouvons dire de l’eucharistie et ce geste.

Pour le comprendre, il nous faut revenir au récit de l’institution tel que nous l’entendrons tout à l’heure dans la prière eucharistique, et tel que la deuxième lecture de Paul que nous avons entendue nous le rapporte. Les paroles même de l’institution soulignent le lien entre la parole prononcée sur le pain : « ceci est mon corps », et « livré pour vous », l’un n’ayant de sens que par rapport à l’autre. On ne peut séparer la parole prononcée sur le pain de l’acte d’être « donné pour nous ». Comme le dit un autre texte dePaul aux Philippiens, que nous avons entendu dimanche dernier pour les rameaux en ouverture de cette semaine sainte, Jésus, de condition divine n’a pas gardé jalousement le rang qui l’égalait à Dieu, mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur. C’est précisément parce que Dieu est Dieu, qu’il peut consentir à ce mouvement et que son être n’y est pas dissout mais au contraire révélé. Dieu seul peut se révéler comme « Celui qui suis » en étant livré, c’est l’acte même d’être livré qui le révèle comme Dieu. La toute-puissance de Dieu ne se révèle pas dans une démonstration de force mais dans le consentement à la faiblesse. Ainsi la révélation de Dieu en tant qu’il est Dieu est le mouvement même d’être livré qui le conduit à être nourriture.  L’accueil de cette présence de Dieu livré dans le pain et le vin, nourriture pour jusqu’à demain comme la manne, est ouverture au risque du futur, courage d’espérer. Une vie eucharistique, c’est donc une vie donnée, une vie qui consent à s’inscrire dans ce mouvement et à s’en nourrir, une vie tout entière tendue vers la venue de Jésus qui vient à notre rencontre. C’est la réalité même de l’anamnèse, ce que nous chantons après la consécration : « nous rappelons ta mort, Seigneur ressuscité, et nous attendons que tu viennes ! ». Nous nourrir de l’eucharistie, c’est laisser grandir notre capacité à nous livrer, à nous dépouiller.

Mais, et c’est le dernier point que je voudrais souligner, qui lie l’eucharistie au geste de Jésus au soir de ce jeudi-saint, la présence réelle du Christ est aussi et tout autant dans le pauvre. Pas seulement la personne sans-abri, ce peut être aussi à l’école celle ou celui dont tout le monde se moque. St Jean Chrysostome, un docteur de l’Eglise, qui a écrit des choses très belles sur l’eucharistie, parlait ainsi du sacrement du frère : « N’allons pas croire, disait-il, qu’il suffit pour notre salut, après avoir dépouillé veuves et orphelins, d’offrir à l’autel un calice d’or incrusté de pierreries. (…) Veux-tu honorer le corps du Christ ? Ne le méprise pas quand il est nu ; après l’avoir honoré ici avec des vêtements de soie, ne le méprise pas dehors alors qu’il souffre du froid et de la nudité. Celui qui a dit : Ceci est mon corps, et à sa parole a garanti le fait, c’est lui qui a dit : Vous m’avez vu avoir faim et vous ne m’avez pas nourri, et : ce que vous n’avez pas fait pour l’un de ces petits, pour moi non plus, vous ne l’avez pas fait (Mt 25, 42-45). » Ce que Jean Chrysostome nous dit, c’est que le fait de communier à la présence réelle du Christ dans l’eucharistie nous appelle à être ensemble présence réelle du Christ en ce monde et dans le même mouvement à honorer en tenue de service la présence réelle du Christ dans les pauvres.

L’Eglise de France va célébrer à Lourdes à l’Ascension, avec Diaconia 2013, l’enracinement  du sacrement qu’elle est pour ce monde dans ce geste du lavement des pieds. Cette démarche nous concerne tous, pas seulement celles et ceux dont je suis qui y participeront, car c’est notre enracinement dans l’eucharistie qu’il s’agit de renouveler. Nous pourrons tout à l’heure en demander la grâce dans le temps d’adoration qui prolongera cette messe.

 

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