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Le blog de Bruno LACHNITT

Année B, 3ème Carême : Exode 20, 1-17 ; Psaume 18, 8-Le texte du livre de l’Exode que nous avons entendu en première lecture pose clairement que l’expérience 11 ; 1Corinthiens 1, 22-25 ; Jean

10 Mars 2012 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Le texte du livre de l’Exode que nous avons entendu en première lecture pose clairement que l’expérience de la libération est première : « Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison d'esclavage ». Et c’est l’expérience de la libération relue comme don de Dieu qui permet de comprendre qu’il est créateur : « en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l'a consacré. » Mais de la libération donnée procède aussi la Loi, en l'occurrence le décalogue dans le texte de l'Exode.

La Loi du Seigneur est parfaite, nous dit le psaume 18 en réponse à cette lecture. Si le décalogue est reçu comme une conséquence de la reconnaissance d’un Dieu libérateur, pourquoi le comprenons-nous comme une servitude ? Le Seigneur n’aurait-il libéré son peuple que pour mieux l’asservir à ses propres exigences ? Une telle affirmation désignerait un Dieu pervers, titre d’un ouvrage de Maurice BELLET. Mais même si notre inconscient a du mal à se défaire d’une telle image, ce n’est pas un tel Dieu que nous confessons ici. Il nous faut donc comprendre la Loi, non pas comme une contrainte extérieure imposée du dehors, mais comme la condition minimale de la préservation de cette liberté offerte par Dieu, qu’il s’agisse de la nôtre ou de celle de notre prochain. Les interdits bordent ainsi l’espace au-delà duquel nous menace un nouvel esclavage : idoles, instrumentalisation de Dieu, instrumentalisation de l’autre. Même « l’étranger qui réside dans ta ville » doit bénéficier de ce repos sacré qui fait référence au temps de Dieu.

Un récent numéro de l’hebdomadaire « La Vie » titrait : « le retour du sacré ». Et il est bien question de quelque chose de cet ordre dans les textes de ce jour, depuis l’instauration du Sabbat jusqu’au fouet qui chasse les vendeurs du Temple : « Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic ». Mais qu’est-ce que le sacré ?

Une compréhension habituelle en fait quelque chose de séparé, hors du commun, qu’on oppose au profane. Emile DURKHEIM, sociologue et philosophe français, disait que «les choses sacrées sont celles que les interdits protègent et isolent, et les choses profanes celles auxquelles ces interdits s'appliquent ». Ainsi par exemple, dans le Temple de l'ancienne Alliance à Jérusalem, qu’il semble être question de détruire dans l’évangile de ce jour, le Saint de Saints n’était accessible qu’au Grand Prêtre et aux offrandes sacrées. Mais depuis l’Incarnation, les choses ne fonctionnent plus comme cela. Depuis que Dieu a pris le visage de l’homme, tout homme a le visage de Dieu, aussi défiguré et méprisé soit-il et le voile du Temple s’est déchiré le vendredi saint : « nous, nous proclamons un Messie crucifié », écrit Paul aux Corinthiens, « scandale pour les Juifs, folie pour les peuples païens », et il y a du juif et du païen en chacun de nous.

C’est donc un véritable renversement qui se produit dans l’Evangile, dès lors que ce qui est sacré, c’est la liberté à laquelle Dieu nous appelle. Ainsi plus rien n’est sacré, et tout peut le devenir si la liberté reçue peut en être affectée. « Si le Christ nous a libérés, c'est pour que nous soyons vraiment libres, écrit ailleurs Paul aux Galates. Alors tenez bon, et ne reprenez pas les chaînes de votre ancien esclavage ».

N’est-ce pas finalement l’objet du carême que de retrouver le goût de cette liberté à laquelle nous sommes appelés, de rompre les liens de nos servitudes? Retrouver le goût du sabbat peut ainsi être au cours de ce carême, l'opportunité de retrouver le sens de ne rien faire : pas de travail, pas de télé, pas d’Internet, pas de divertissement, mais laisser de la place au silence dans nos vies, décrocher des rythmes déraisonnables qui sont trop souvent les nôtres, prendre le temps de l’écoute, ruminer la Parole, car nous n’entendrons pas Celui qui nous appelle à la liberté des enfants de Dieu, si nous n’habitons pas le silence où Il nous attend.

Car cette liberté est elle-même ordonnée à la relation et Dieu lui-même est relation. Si l’ancien Temple est révolu avec sa distinction entre le sacré et le profane, le Temple que Jésus parle de reconstruire dans l’évangile de ce jour, c’est son corps crucifié. Et nous savons, réunis aujourd’hui pour y communier, que son corps est son Eglise dont nous sommes les pierres vivantes. Dieu désire que nous soyons ensemble et libres ses interlocuteurs dans la relation d’amour à laquelle il nous appelle. « Mon épouse infidèle, dit le prophète Osée, je vais la séduire, je vais l'entraîner jusqu'au désert, et je lui parlerai cœur à cœur ». C’est pourquoi le carême est aussi, peut-être d’abord, pour l’Eglise un temps de joie et de retrouvailles.

Galates, 5,1

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