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Le blog de Bruno LACHNITT

Année A, 2ème dimanche ordinaire : Isaïe 49, 3. 5-6 ; Psaume 39 ; 1 Co 1, 1-3 ; Jean 1, 29-34

20 Janvier 2011 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Voici l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde. Chaque dimanche nous entendons ces mots, et chantons « l’agneau de Dieu ». Est-ce l’agneau pascal dont le sang répandu sur les linteaux des portes, protégeait les hébreux lors du passage de l’ange exterminateur avant la sortie d’Egypte ou le serviteur souffrant chanté par Isaïe qui n’ouvre pas la bouche tel un agneau qu’on mène à l’abattoir ? Comment comprendre ces paroles placées au moment précis de la manifestation de Jésus. Car nous sommes encore dans l’épiphanie : avec les mages il y a deux semaines, avec le Baptême dimanche dernier, et aujourd’hui encore avec cette parole de Jean : « si je suis venu baptiser dans l’eau, c’est pour qu’il soit manifesté au peuple d’Israël ».

L’évangile de ce jour commence par « voici l’agneau de Dieu » et se conclut par le témoignage de Jean : « C’est lui le Fils de Dieu ». Quel lien entre le Fils et l’agneau ? Un détour peut nous éclairer.

Dans un petit livre accessible intitulé « Je vois Satan tomber comme l’éclair », René Girard montre que toute société est traversée par la violence, elle-même alimentée par l’envie et la jalousie : quelque chose est d’autant plus désirable que c’est possédé par un autre. A un moment, cette violence met en danger la cohésion du corps social et le menace d’implosion. Et René Girard démonte les mythes fondateurs pour y découvrir l’expérience originelle de l’unité sociale construite aux dépens d’une victime désignée comme coupable de la violence qui menace. C’est  la violence collective de sa mise à mort qui va permettre de reconstituer l’unité. Le coupable se trouve alors « déifié » par le miracle qu’opère sa mort sur le corps social qui était en train de se fissurer. Et le récit évangélique reprend strictement ce scénario commun à tous les mythes qui fondent les sociétés, à une différence près mais qui change tout : l’innocence de la victime, juste et consentante. « Le héros mérite-t-il d’être expulsé ? » demande René Girard. « Le mythe répond toujours oui et le récit biblique répond non ». « L’inversion du rapport de culpabilité entre victimes et bourreaux est la pierre d’angle de l’inspiration biblique ». Et cette observation fonde sa Foi dans le Christ qui seul nous sort de l’engrenage infernal de la violence : « la révélation évangélique est l’avènement définitif d’une vérité déjà partiellement accessible dans l’Ancien Testament mais qui exige pour s’achever la bonne nouvelle de Dieu lui-même acceptant d’assumer le rôle de la victime collective pour sauver l’humanité ». Il n’est alors plus question de sacrifice pour apaiser quelque courroux divin : Tu ne voulais ni offrande, ni sacrifice, tu ne demandais ni holocauste ni victime,  alors j’ai dit : « Voici, je viens» dit le psaume 39 que nous entendions tout à l’heure.

Au premier livre de Samuel on lit « Est-ce que le Seigneur aime les holocaustes et les sacrifices autant que l'obéissance à sa parole ? (…) L'obéissance vaut mieux que le sacrifice, la docilité vaut mieux que la graisse des béliers ». C’est encore plus clair chez Amos que nous entendons souvent en Carême et qui parle au nom du Seigneur: « Quand vous me présentez des holocaustes et des offrandes, je ne les accueille pas ;  vos sacrifices de bêtes grasses, je ne les regarde même pas. Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais ! » (5, 22,24) Dieu n’est pas à chercher ailleurs que du côté de la victime innocente et il n’est pas besoin de sacrifice pour lui plaire. « Si vous aviez compris ce que veut dire cette parole : C'est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices, vous n'auriez pas condamné ceux qui n'ont commis aucune faute» dit Jésus aux pharisiens. (Mt 12, 7-8).

Disciples de Celui que le Baptiste désigne comme l’ « agneau de Dieu » nous ne pouvons être complices d’aucune violence collective, d’aucun rejet, mais nous situer toujours du côté des victimes, quelles et de quelque camp qu’elles soient, pas seulement quand elles sont dans nos rangs. Aussi pouvons-nous rendre grâce quand cet esprit réunit les responsables de différentes religions.

Ainsi le 6 janvier dernier lorsque suite aux événements de Bagdad et Alexandrie, la Conférence des responsables de culte en France affirme dans une déclaration commune : « nul ne peut se prévaloir des religions que nous représentons pour légitimer des violences, des ségrégations et même du mépris à l’égard d’un être humain. Nous encourageons les fidèles de nos communautés à résister au repli et à la peur (…). Nous désirons être artisans de paix dans notre pays et dans le monde ».

Et ils terminent en appelant « hommes et femmes de bonne volonté, croyants et non-croyants, [à] sans cesse travailler à la réconciliation, sachant que la haine de l’autre est une maladie mortelle pour l’ensemble de la société. La fraternité est un défi que nous sommes appelés à relever, tous ensemble. »

Cet appel, comment ne pas l’entendre ? Car l’Alliance scellée dans le sang de l’Agneau nous inscrit dans une fraternité universelle dont il nous appartient de faire en sorte qu’elle ne se résume pas à des mots, si beaux soient-ils.

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