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Le blog de Bruno LACHNITT

Année A 22ème du temps ordinaire : Jérémie, 20, 7-9 ; psaume 62 ; Epitre de Paul aux Romains 12, 1-2 ; Evangile de Matthieu 16, 21-27

28 Août 2011 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Nous pouvons d’abord nous étonner des contradictions apparentes dans le texte de Jérémie. Si la séduction résonne du côté du consentement : « tu m’as séduit, et je me suis laissé séduire », aussitôt après le prophète dit « tu m’as fait subir ta puissance, et tu l’as emporté ». Il est vrai que dans le jeu des relations humaines, la séduction résonne parfois du côté de l’emprise, que la violence n’en est pas toujours loin, que ce peut être trouble en nous ou entre nous. Mais ici ce n’est pas avec l’emprise d’un autre, extérieur à lui, qu’est aux prises le prophète, mais avec « un feu dévorant, au plus profond de [son] être », avec cet Autre plus intime à nous même que nous-même comme l’écrivait Saint Augustin que nous fêtons aujourd'hui. » C’est plutôt le combat spirituel qu’évoque cette violence, pour se dégager de ce qui entrave notre liberté, de ce qui étouffe en nous cette force intérieure qui ne demande qu’à nous saisir. Il s’agit bien comme nous y invite Paul, de « renouveler notre façon de penser », sans nous conformer au monde présent, car il y a peu de chance que l’air du temps ravive les braises de ce feu dévorant. Reconnaître comme écrit Paul « quelle est la volonté de Dieu, ce qui est capable de lui plaire », exige un certain décalage, qui manque à Pierre pour entendre l’annonce de la croix : « cela ne t’arrivera pas ! ». « Passe derrière moi, Satan », c’est le remettre à sa place, celle du disciple, celui qui marche derrière. Il n’a pas su renouveler sa façon de penser face aux conceptions du messie qui prévalaient en son temps. Car c’est une véritable conversion à laquelle nous sommes invités, tant le renouvellement de notre façon de penser auquel nous invite l’évangile met sens dessus-dessous nos repères : les derniers premiers, aimer nos ennemis, les prostituées qui nous précèdent dans le Royaume de Dieu, le Fils unique du Père lavant les pieds de ses disciples et mort en croix comme un esclave. Si nous ne sommes pas choqués comme Pierre, par l’Evangile, c’est peut-être à force de l’envelopper d’une couche religieuse qui nous protège de ce qu’il porte : « je suis venu apporter un feu sur la terre » dit Jésus, et comme il me tarde qu’il soit déjà allumé[1] ! Ce feu serait-il le même que celui que Jérémie s’épuisait à contenir sans y parvenir ?

C’est bien de là qu’il nous faut partir, de ce feu intérieur, si nous voulons comprendre l’exigence posée par le Christ : « Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix, et qu’il me suive. » Nous ne pouvons comprendre cette exigence si nous l’entendons comme venant de l’extérieur de nous-même. C’est un appel à la vie, pas à une résignation doloriste devant les contrariétés de l’existence que nous baptisons trop vite « croix », pour nous donner une raison de les supporter. Le texte fait un lien entre l'invitation à "porter sa croix" et le risque de payer de sa vie le fait de gagner le monde entier. Il est donc question de vie ou de mort, dans la juste place donnée à chaque chose dans les choix que nous faisons. Perdre sa vie au sens physique, est moins grave que d’étouffer en nous la capacité à aimer qui porte promesse d’éternité.

Prendre "sa" croix, non pas celle d'un autre, dans la situation singulière qui est la nôtre, confrontés aux choix qui nous appartiennent. Il s’agit de se mettre à l'écoute de cette voix de Dieu en nous qui, comme le rappelle le Concile Vatican II, n'est autre que notre conscience. Et si nous sommes en référence au Père, quel autre critère de ces choix que le chemin par lequel nous sommes tous frères ? Marcher derrière Jésus, c'est choisir toujours ce qui nous permet le mieux d'être frères. Pas de dolorisme malsain dans cette invitation à prendre notre croix à sa suite, pas de goût particulier pour la souffrance, pas de complaisance avec les forces de mort qui nous habitent. La révélation de l’Evangile est celle d’un Dieu qui nous veut « heureux », comme il le répète dans le sermon sur la montagne. Il n’y a pas de goût pour la souffrance, mais il y a le goût de l’autre. Choisir d’être frère, cela ne nous plait pas toujours, c’est un chemin qui peut être douloureux, qui peut nous mettre en butte à la contradiction, qui peut nous conduire à donner notre vie. Mais combien de choix raisonnables et confortables conduisent à la mort sur le plan spirituel ? Renoncer à soi-même et prendre sa croix est une invitation pour la vie, car nous croyons que c’est bien le consentement de Jésus à la croix qui nous a ouvert à tous le chemin de la Vie.

Dans le secret de notre cœur, un feu couve et cherche à s’amplifier. Aide nous Seigneur à le laisser prendre la place, réduis nos résistance, donne-nous confiance, pour nous laisser conduire par l’Esprit. Amen.



[1] Luc 12, 49

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