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Le blog de Bruno LACHNITT

4ème dimanche de Carême Année B : 2Chroniques 36, 14-16.19-23 ; Psaume : 136, 1-2, 3, 4-5, 6 ; Ephésiens 2, 4-10 ; Jean 3, 14-21

21 Mars 2009 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Que nous disent les textes que nous venons d’entendre ? D’abord que Dieu est riche en miséricorde. Qu’est-ce que ça veut dire miséricorde ? Ce n’est pas un mot qu’on emploie tous les jours. La racine hébraïque de ce mot biblique important est la même que le mot utérus. Dans l’évangile on dit parfois que Jésus est pris de pitié et le mot grec signifie « avoir les entrailles retournées ». Pitié, dans notre vocabulaire courant, ça a souvent un sens péjoratif. Mais on dit parfois d’une situation dont on est témoin : « ça me fait mal au ventre ». Avoir les entrailles retournées, c’est ça la miséricorde. Dieu est riche en miséricorde, c'est-à-dire que son amour pour nous lui retourne les entrailles.

Ensuite le texte nous dit que nous étions morts à cause de nos fautes. Qu’est-ce que signifie que nous étions morts ? Nous pouvons aimer parce que nous avons été aimés en premier. C’est vrai dans nos vies : l’amour que nous avons reçu de nos parents, de nos amis, de nos éducateurs, contribue à nous rendre capables d’aimer. Et nous savons que quand nous n’avons pas été aimés comme il faut, il nous faut guérir ces blessures pour aimer à notre tour. L’amour de Dieu nous est souvent révélé à travers l’amour de nos proches, de ceux qui ont pris soin de nous, mais aussi à travers l’Ecriture, la Parole de Dieu quand nous la laissons nous toucher au plus profond, et aussi par les sacrements et dans la prière. L’amour de Dieu vient parfois guérir en nous des blessures que le déficit de l’amour des hommes a causées. Mais si nous refusons l’amour de Dieu, si nous nous fermons à l’amour de l’autre, nous sommes comme morts.

L’Evangile de Jean nous dit qu’il s’agit de passer des ténèbres à la lumière et que « celui qui agit selon la vérité vient à la lumière ». Et en même temps l’épître aux Ephésiens nous dit que cela ne vient pas de nos actes, que c’est par grâce que nous sommes sauvés.

Pour bien comprendre, il faut fixer notre regard sur le Christ comme nous y invite l’Evangile : Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique. C’est l’amour de Dieu qui est premier et c’est cet amour qui nous donne d’aimer à notre tour. Ainsi reconnaître en Jésus la lumière qui est venue dans le monde, c’est nous ouvrir à l’amour de nos frères : « Celui qui déclare être dans la lumière et qui a de la haine contre son frère est encore maintenant dans les ténèbres » écrit encore Jean dans sa première lettre. Ainsi passer des ténèbres à la lumière avec le Christ, c’est passer de la haine ou de l’indifférence à l’amour pour nos frères, pas seulement nos proches, nos semblables, nos copains, mais le différent, celui que je voudrais bien éviter, celui qui me dérange. Être témoin d’un Dieu riche en miséricorde, c’est me laisser moi-même retourner les entrailles par la souffrance de l’autre.

Mais « cela ne vient pas de vos actes, il n'y a pas à en tirer orgueil », nous dit Paul. Agir selon la vérité ne peut être un motif d’autosatisfaction. Quand on regarde le texte de l’évangile de Jean que nous venons d’entendre en écho à cette parole de Paul, il y a un jeu autour des œuvres : « quand la lumière est venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. En effet, tout homme qui fait le mal déteste la lumière : il ne vient pas à la lumière, de peur que ses œuvres ne lui soient reprochées ».  Par contre dit Jean, « celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient reconnues comme des œuvres de Dieu ». Ainsi celui qui agit selon la vérité ne peut s’attribuer les œuvres qu’il sait être celles d’un autre en lui. Penser être la source de l’amour c’est déjà être dans les ténèbres.

Ainsi la lettre de Paul aux Ephésiens nous dit : « C'est bien par la grâce que vous êtes sauvés, à cause de votre foi ». L’attitude qui nous remet en lien avec cet amour reçu qui  nous donne à notre tour la grâce d’aimer, c’est la Foi, c'est-à-dire la reconnaissance dans cet homme-là de l’expression la plus parfaite de l’Amour du Père, la manifestation de cet Amour qu’est le Père.

Or quand Jésus nous invite à être miséricordieux comme notre Père est miséricordieux, « lui qui fait briller le soleil sur les bons comme sur les méchants », il nous donne une indication fondamentale que sa propre vie illustre : il n’y a pour lui personne d’infréquentable. La fraternité à laquelle il nous provoque n’est pas un club fermé entre gens bien pensants. Il n’y a aucune ligne de démarcation symbolique que le goût de l’autre ne nous appelle à franchir. Agir selon la vérité, c’est bien laisser un autre en nous nous conduire là où nous ne voudrions pas aller.

C’est peut-être le sens de cette première lecture décalée du livre des chroniques que de nous rappeler que ce Dieu riche en miséricorde n’est ni un dieu guimauve ni un démagogue : « finalement, il n'y eut plus de remède à la colère grandissante du Seigneur contre son peuple », y est-il écrit. Le seul remède fut « finalement » que « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » Et il sera traité comme les prophètes dans le livre des chroniques. Le paradoxe qui n’a pas fini de nous étonner, c’est que c’est précisément là la pierre angulaire de la nouvelle Alliance. Mais nous ne valons pas mieux que nos pères qui ont tué les prophètes et pour vraiment comprendre combien Dieu est riche en miséricorde, il nous faut sans doute prendre la mesure de notre propre endurcissement. Le carême peut nous y aider.

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