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Le blog de Bruno LACHNITT

Saint Joseph, 19/03/2021 Rencontre régionale des aumôniers de prison

2 Mai 2021 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Vivons dans l’espérance, avons-nous écrit sur nos feuilles de chant, et nous avons chanté : mille raisons d’espérer ! Dans les psaumes pourtant, les plus anciens textes de la Bible, on trouve trace de réalités désespérantes. Mais au cœur de ces réalités désespérantes, il y a une attente enracinée dans une promesse. A la racine de l’espérance, les deux premières lectures nous rappellent qu’il y a la promesse, venue de loin, transmise de génération en génération comme une rivière souterraine qui a traversé les guerres, les famines, les épidémies et qui sourd au cœur d’un peuple en attente. Sait-il seulement ce qu’il attend, ou plutôt qui, il attend ?

Mais pour que la promesse ne soit pas reléguée sur l’étagère des contes qu’on raconte aux enfants pour les endormir le soir, ces histoires dont les adultes gardent un souvenir enchanté mais éteint au fond d’eux-mêmes, il nous faut traverser les douleurs de l’enfantement.

Car l’espérance n’est pas un optimisme béat, l’illusion que tout va s’arranger. L’espérance, c’est la traversée de la mort dans la confiance que la Vie l’emporte… Mais il faut traverser. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, … » (Jn 12,24) ce sera l’évangile de dimanche. La petite fille espérance qui étonne Dieu lui-même dans le poème de Péguy, me renvoie à mon consentement à mourir, à vivre la traversée dans la confiance. La croix est la seule réalité qui permette d’inscrire la Joie au cœur du tragique de l’existence. Et nous sommes faits pour la Joie ! C’est peut-être cela au fond que porte la promesse. C’est quand il semble qu’il n’y ait plus beaucoup d’espoir (ce qui n’est pas la même chose que l’espérance précisément), qu’une confiance radicale permet de voir au-delà sans désespérer. C’est cela l’espérance, ne pas désespérer quand il n’y a plus rien à espérer, consentir à traverser la mort en gardant foi en la Vie !

Nous aimerions rester de ce côté-ci de la traversée, rafistoler cette vie périssable sans devoir lâcher prise, organiser un petit bonheur tranquille en oubliant la mort. Mais la Joie naît du consentement à la mort dans la confiance, et l’espérance rend libre ! Les psaumes s’en font aussi l’écho : « Le jour où j'ai peur, je prends appui sur toi. (…) sur Dieu, je prends appui : plus rien ne me fait peur ! Que peuvent sur moi des êtres de chair ? » (Ps 55, 4-5) « Tu as changé mon deuil en une danse, mes habits funèbres en parure de joie » (Ps 29, 12) ; « Ton amour me fait danser de joie (…) devant moi, tu as ouvert un passage » (Ps 30, 8-9).

Dans l’évangile de ce jour, la figure de Joseph que nous fêtons aujourd’hui, nous invite à risquer la confiance devant un événement déroutant :  avant qu’ils aient habité ensemble, Marie, sa promise fut enceinte ! « Ne crains pas de prendre chez toi Marie ton épouse » : en songe un envoyé l’invite de la part de Dieu à accueillir l’imprévu comme venant de plus loin que lui, à accueillir comme épouse celle qu’il s’apprêtait à répudier comme infidèle, « en secret » nous dit l’évangile et non pas publiquement parce qu’« il était un homme juste ». La délicatesse de cette retenue est à la fois belle et étonnante. Elle nous est présentée comme ajustée à Celui qui est à l’origine de la promesse : la confiance de Joseph en Marie est mise à mal par ce qu’il constate, mais il ne peut se résoudre à la livrer en pâture à la vindicte de ceux qui se croient justes et lapident les adultères. Et si l’évangile souligne ce lien entre ce projet de répudiation en secret et la « justice » de Joseph, c’est sans doute aussi que c’est déjà une porte entrouverte pour accueillir le songe où la promesse est révélée dans ce chemin déroutant où l’événement de cette grossesse inattendue et mystérieuse le conduit.

Des chemins inattendus, des événements déroutants, des incertitudes, depuis un an, nous en connaissons largement. Nous avons partagé cet après-midi les doutes qui nous traversent et dont nous sommes témoins et nous allons les confier au Seigneur dans un instant. Cette figure de Joseph peut nous accompagner pour accueillir l’inattendu et frayer un chemin au milieu de nos doutes, pour reconnaître le chemin de la promesse et le germe de l’espérance au cœur de nos déroutes. Et c’est en ayant foi que la promesse est accomplie au cœur même des vicissitudes et des douleurs de l’enfantement que nous traversons, que nous pouvons maintenant porter ce monde et toutes celles et ceux que nous rencontrons même difficilement en détention dans l’action de grâce à laquelle nous associe le Christ.

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