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Le blog de Bruno LACHNITT

Année B 5ème dimanche ordinaire

2 Mai 2021 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

J’aime beaucoup ce texte de Job qui fait tellement écho à la vie pesante et difficile de tant de gens autour de moi, de tant de détenus que je visite dont les nuits sont habitées de cauchemars, de tant de pauvres, de « sans », sans travail, sans toit, sans papiers autour de nous qui n’ont en partage que le néant, de tant de malades dans les hôpitaux qui comptent des nuits de souffrance, et de nous-même dans la traversée de cette crise qui sommes usés par l’attente d’un horizon éclairci : notre espérance est éprouvée et même si au regard d’autres souffrances plus grandes nous pouvons toujours relativiser, la plainte de Job peut trouver écho en nous et plutôt que de l’étouffer il est bon de laisser cet écho s’exprimer en prière.

Alors, le psaume qui répond à cette première lecture peut nous sembler décalé, voire obscène en la circonstance : « Il est bon de fêter notre Dieu, il est beau de chanter sa louange ! » Allons-nous dire cela à tous ceux que j’évoquais à l’instant ? D’autres psaumes ne manquent pas qui seraient plus adaptés et portent eux-aussi le cri des pauvres, la plainte du juste persécuté ou du malheureux sans recours. Chanter la louange de Dieu au cœur de l’épreuve et de la déréliction, n’est-ce pas de la provocation ? Qu’allons-nous dire précisément à tous ceux-là qui vivent le silence de Dieu et l’abandon des hommes ? Qu’allons-nous nous dire à nous-même au cœur de cette épreuve qui n’en finit pas ?

Les corinthiens auxquels écrit Paul ne sont pas des privilégiés, il n’y a qu’à relire l’adresse au chapitre premier de l’épître pour s’en convaincre : « regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion ce qui est fort ; ce qui est d’origine modeste, méprisé dans le monde, ce qui n’est pas, voilà ce que Dieu a choisi, pour réduire à rien ce qui est ». Mais précisément, la seule chose pertinente à leur annoncer pour Paul, non seulement pertinente mais pressante, impérieuse, c’est l’Évangile : « annoncer l’Évangile, ce n’est pas là pour moi un motif de fierté, c’est une nécessité qui s’impose à moi ! » Cette Bonne Nouvelle d’un amour inconditionnel dont Bruno nous parlait dimanche dernier. Il n’y a rien d’autre à annoncer à tous ceux qui sont au fond du trou, encore faut-il que cette annonce puisse les rejoindre et ne soit pas obscène, inconvenante, insultante. Comment l’annonce de l’Évangile pourrait-elle être insultante me direz-vous ? Les textes de ce jour, si nous y regardons bien, nous le disent dans la continuité de ceux de la semaine dernière : si nous sommes en surplomb, si nous ne sommes pas ajustés à la parole que nous portons.

Marc nous dit dans cette page d’évangile que Jésus « guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies, et [qu’]il expulsa beaucoup de démons » mais il ajoute et c’est une répétition insistante par rapport à l’évangile de dimanche dernier : «il empêchait les démons de parler, parce qu’ils savaient, eux, qui il était ». Une parole apparemment juste théologiquement peut être fausse dans son énonciation si celui qui la prononce n’est pas ajusté à ce qu’elle dit. Dire à celui qui est démuni de tout : « Dieu t’aime » sans le lui signifier par le partage de ce que j’ai et qui lui manque, c’est juste une insulte vis-à-vis de lui comme à l’égard de Dieu. A quel prix pouvons-nous donc en vérité annoncer l’évangile ? Paul nous le dit simplement : « je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre possible. Avec les faibles, j’ai été faible, pour gagner les faibles. Je me suis fait tout à tous pour en sauver à tout prix quelques-uns. Et tout cela, je le fais à cause de l’Évangile, pour y avoir part, moi aussi. » Si le psaume entendu tout à l’heure disait : « il est bon de fêter notre Dieu, il est beau de chanter sa louange », c’est parce qu’il guérit les cœurs brisés et soigne leurs blessures, comme Jésus dans cette page d’évangile. Nous ne serons témoins d’un Dieu qui nous rejoint au cœur de nos détresses, qu’en rejoignant nous-mêmes celles et ceux qui souffrent à côté de nous, qu’en nous mettant à genou à leur chevet. Mais pour que cet amour inconditionnel qu’est la Bonne Nouvelle de l’Évangile passe par nous, encore faut-il que nous le laissions nous transformer et transformer nos vies. Nous ne serons témoins que de ce que nous aurons reçu, pour autant que ce que nous avons reçu bouleverse nos vies.  Dans dix jours nous allons entrer en carême, faisons de ce temps un temps de retrouvailles avec cette Bonne Nouvelle et laissons-nous bouleverser. Alors nous pourrons laisser éclater la louange au cœur de l’épreuve comme le psaume nous y invitait. Ainsi soit-il !

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