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Le blog de Bruno LACHNITT

Année C 5ème Pâques : Actes 14, 21b-27 ; Psaume 144 (145), 8-9, 10-11, 12-13ab ; Apocalypse 21, 1-5a) ; Jean 13, 31-33a.34-35

27 Avril 2016 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Dimanche dernier déjà, le texte de l'apocalypse au chapitre 7 disait que Dieu essuierait toute larme des yeux de ceux qui ont « blanchi [leurs robes] par le sang de l’Agneau », une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues, et aujourd'hui un autre passage à la fin du même livre de l'apocalypse suggère que l’humanité entière est embrassée par la tendresse de Dieu : "Voici la demeure de Dieu avec les hommes ; il demeurera avec eux, et ils seront ses peuples, lui-même, Dieu avec eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux". Elle est belle cette image de Dieu qui, comme une mère console son enfant, vient essuyer nos larmes. Elle est déjà une consolation. Dieu avec eux, c'est l'Emmanuel. Et Dieu dit : « Voici que je fais toutes choses nouvelles. » Les textes de ce jour sont sous le signe de la nouveauté. La courte page d'évangile nous rappelle en effet le commandement nouveau laissé par Jésus à ses disciples juste après qu'il leur a lavé les pieds : "c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres".

Nouveauté radicale, création nouvelle, ce que nous avons célébré à Pâques, rappel de notre baptême nous met au défi de la nouveauté. Le prenons nous au sérieux ou sommes-nous les témoins usés de vieilles rengaines, habités par la peur dans un monde chaotique ?

« Je vous donne un commandement nouveau ». Nous connaissions déjà le commandement de l’amour. Après avoir interrogé Jésus, un scribe lui disait : « Fort bien, Maître, tu as dit vrai : Dieu est l’Unique et il n’y en a pas d’autre que lui. L’aimer de tout son cœur, de toute son intelligence, de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, vaut mieux que toute offrande d’holocaustes et de sacrifices ». Et Jésus répliquait : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Et personne n’osait plus l’interroger. Déjà, je ne suis pas sûr que nous puissions dire sans mentir que nous aimons notre prochain comme nous-même. Ne faisons-nous pas souvent passer notre propre intérêt avant celui de notre prochain ? Et qui donc est mon prochain ?, demandait quelqu’un à Jésus. Vous connaissez la suite, c’est la parabole de l’homme tombé aux mains de brigands et laissé pour mort sur le bord du chemin. Aimer notre prochain comme nous-même, ne pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse, déjà, là il y a de quoi nous convertir. Alors quoi ! Plus encore ? Quoi de neuf ?

« Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres » et c’est juste après leur avoir lavé les pieds que Jésus dit cela, juste après avoir signifié par quel abaissement Dieu révèle son amour pour nous. Alors quoi ! Déjà l’exigence ancienne nous semble inatteignable, et il faudrait mettre la barre encore plus haut ? S’agit-il donc de nous décourager définitivement ? De nous laisser en rade ? N’avons-nous le choix qu’entre nous raconter des histoires, faire semblant de croire que nous nous aimerions les uns les autres comme il nous l’a commandé, ou sombrer dans la désespérance, caler devant une marche trop haute pour notre égoïsme, notre étroitesse ?

Le problème avec ce raisonnement, c’est que nous sommes toujours centrés sur nous, toujours préoccupés que de nous. Comme si notre avancement était la seule chose importante. La conversion n’est possible que si nous commençons par prendre l’invitation à son début : « Comme je vous ai aimés ». L’essentiel à quoi nous avons été invités en cheminant vers Pâques, c’est la contemplation de la façon dont le Christ nous a aimés, dont Dieu nous dévoile en lui le visage de sa miséricorde. Tant que nous n’aurons pas été touchés au plus profond par cette révélation, n’espérons pas à force de volonté nous aimer les uns les autres autrement que chichement, à moindre coût, sans risque d’y laisser trop de plumes. Seuls ceux que la découverte de l’amour de Dieu en Jésus-Christ a profondément bouleversés deviennent des aventuriers de l’amour au risque de s’y perdre.

Laissons-nous toucher, tout commence par là. Toucher par la misère de nos frères, par le don d’amour de Dieu  ̶ les deux vont ensemble, par les merveilles de la création, le printemps qui fleurit autour de nous, laissons-nous toucher par tout ce qui peut attendrir nos cœurs de pierre, sans avoir peur de verser les larmes que Dieu pourra un jour essuyer. Les chinois disent que les larmes sont la porte de l’âme, et une béatitude nous dit : « heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés » ! Je le constate souvent en prison : pleurer est une bénédiction. Faire sauter les verrous qui nous empêchent de nous laisser toucher, c’est ouvrir la porte à la grâce. Et si la conscience que l’amour inouï et immérité de Dieu nous touche au plus obscur de nous-même, là où c’est inavouable, vient à nous faire pleurer, peut-être ne serons-nous pas loin du royaume de Dieu.

 

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