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Le blog de Bruno LACHNITT

4ème dimanche de Carême, année A : 1 Samuel 16, 1b.6-7.10-13a ; Psaume 22 ; Ephésiens 5, 8-14 ; Jean 9, 1-41

14 Mars 2015 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Les textes de ce jour nous invitent à voir et à nous laisser regarder. Le mot scrutin de la même famille que scruter à quelque chose à voir avec le regard.

La première lecture nous dit que Dieu ne regarde pas comme les hommes qui jugent sur l’apparence : le Seigneur, lui, regarde le cœur. Et dans la deuxième lecture, Paul nous invite à savoir « reconnaître » ce qui est capable de plaire au Seigneur, et à démasquer les activités des ténèbres. Et dans cette magnifique page d’évangile : regard que les disciples posent sur cet homme aveugle, et qui associe sa cécité au péché. Comme l’homme est réputé aveugle de naissance, la question se pose de savoir si le péché doit lui être imputé à lui ou à ses parents. Le regard que Jésus pose sur lui est différent et conteste cet amalgame.

Il est étonnant de constater que l’homme aveugle ne demande rien, qu’il n’y a aucun dialogue entre Jésus et lui avant ce geste et cette parole de guérison. Aucune démarche de foi préalable de sa part, pas la moindre indication d’un début de mouvement vers Jésus, il est comme posé là pour déclencher une controverse. Controverse entre les disciples d’abord, puis entre les pharisiens à cause de la guérison dont il a été l’objet.

Ce long récit est bâti comme un procès qui aboutit à un retournement. Jésus dit à l’aveugle guéri : « Je suis venu en ce monde pour une remise en question : pour que ceux qui ne voient pas puissent voir, et que ceux qui voient deviennent aveugles. » Jésus répond aux disciples que ni l’aveugle ni ses parents n’ont péché et à la fin, il dit aux pharisiens : « Si vous étiez des aveugles, vous n'auriez pas de péché; mais du moment que vous dites : 'Nous voyons !' votre péché demeure. » Dans sa première lettre, Jean, l’auteur de cet évangile, développe la même problématique au chapitre premier : marcher dans les ténèbres c’est être aveuglé sur son péché, alors que reconnaître son péché, c’est marcher dans la lumière. Tout l’évangile de Jean est construit comme un procès entre la lumière et les ténèbres, procès qui culmine dans celui de Jésus.

Ici l’aveugle comparait d’abord comme ce qu’on appellerait aujourd’hui « témoin assisté ». Il est une sorte de pièce à conviction, dans le procès de Jésus qui guérit le jour du Sabbat. Les pharisiens sont en effet confrontés à un problème : cet homme, Jésus, fait des signes qui sont reconnus comme venant de Dieu et en même temps, il est en décalage avec la Loi de Dieu. Et cette contradiction les laisse divisés. Ils multiplient les interrogatoires comme s’ils espéraient y trouver un dépassement de cette difficulté alors que leur vraie difficulté c’est de lâcher prise sur leurs représentations pour accueillir la grâce. Ils défendent l’ordre établi de telle sorte qu’on n’est plus très sûr que cet ordre soit celui que Dieu a établi, et nous observons que le Christ vient bousculer l’utilisation de la religion par un pouvoir qui écrase les petits et dénonce cette imposture. Identifier le handicap au péché est de cet ordre. Le Pape François ne cesse de critiquer un pouvoir religieux qui méprise les pauvres. La bonne nouvelle du Royaume est libération pour tous ceux qu’une certaine religion écrase sous le poids de la culpabilité.

Interrogé sur l’origine de l’homme qui l’a guéri, cet homme né aveugle renvoie les autorités religieuses à leur contradiction avec une logique admirable avec la même simplicité que Jeanne d’Arc à qui on demandait au cours de son procès si elle était en état de grâce et qui répondait : « Si j’y suis Dieu m’y garde, si je n’y suis Dieu m’y mette ! ». L’homme guéri s’étonne : « Vous ne savez pas d’où il est, et pourtant il m’a ouvert les yeux. Comme chacun sait, Dieu n’exauce pas les pécheurs, mais si quelqu’un l’honore et fait sa volonté, il l’exauce. (…). Si cet homme-là ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. » C’est le premier acte de Foi, mais saisissant que nous entendons de sa bouche. Il s’en remet à Dieu en dehors de qui rien n’est possible. Les autorités sont aveuglées par leurs certitudes et le jettent dehors. De témoin assisté il devient accusé et est exclu de la synagogue, ce qui était une sanction grave. Lorsque Jésus le retrouve et lui demande s’il croit au Fils de l’Homme, il ne peut que répondre : « et qui est-il ? » Il ne sait pas encore que Celui qui l’a guérit est aussi Celui comme il le dira à ses disciples au chapitre 15 du même évangile de Jean en dehors de qui, nous ne pouvons rien faire comme il vient de le confesser devant le tribunal. Il est allé se laver à la piscine de Siloé dont Jean ne nous précise pas par hasard que cela signifie l’envoyé. Mais il en est juste au commencement d’un chemin de Foi. Une rencontre insolite a changé sa vie, mais il ne sait pas encore y mettre les mots qui lui donnent sens et ouvrent sur la reconnaissance du Christ.

Nous aussi, nous sommes invités à passer des ténèbres à la lumière. Comme l’aveugle de naissance guéri par Jésus, à travers notre cheminement au cours de ce carême, nous pouvons progressivement mettre des mots sur les rencontres nous ont mis en route et découvrir le visage de Celui qui nous appelle à construire notre vie en prenant appui sur Lui. En cette célébration du « scrutin », que le regard bienveillant de Dieu sur nous, nous accompagne vers Pâques pour accueillir le cœur libéré la vie qu’il nous donne en plénitude.

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