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Le blog de Bruno LACHNITT

18ème dimanche ordinaire année A : Isaïe 55, 1-3 ; Psaume 144, 8-9, 15-16, 17-18 ; Romains 8, 35.37-39 ; Matthieu 14, 13-21

29 Août 2014 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

La première lecture de ce dimanche nous indique clairement que la clé pour comprendre la Parole de Dieu qui nous est donnée aujourd'hui est à chercher dans le registre de l'Alliance : "Je ferai avec vous une Alliance éternelle, qui confirmera ma bienveillance envers David". Dieu se révèle comme Celui qui veut faire Alliance avec nous, c'est peut être même la formule la plus synthétique par laquelle on peut résumer toute la Bible. Le psaume 144 qui répond à ce texte d'Isaïe décline cette révélation en mettant des mots qui précisent un peu le visage de ce Dieu qui veut faire Alliance avec nous : "tendresse et pitié, lent à la colère, plein d'amour". Et pour éviter tout malentendu, pour que nous n’imaginions pas devoir à quelque mérite personnel la grâce de cette élection, il ajoute : "la bonté du Seigneur est pour tous, sa tendresse pour toutes ses œuvres". Jadis, on parlait du "Bon Dieu et cette expression est un peu tombée en désuétude. Il est pourtant profitable de nous souvenir que Dieu est bon et de cultiver en nous la bonté. Prenons le temps de nous arrêter un instant sur ce point et de mettre des visages que je ne parviens pas à aimer, que je ne supporte pas, pour entendre que la bonté et la tendresse du Seigneur les rejoignent au même titre que moi. Ça n'a l'air de rien, mais il importe que cette réalité atteigne notre conscience jusqu'à toucher notre coeur.

Et dans le texte d'évangile que nous venons d'entendre, c'est Jésus que nous voyons esplan'knistê en grec. La traduction "saisi de pitié" est faible d'autant plus que là encore le mot pitié a aujourd'hui mauvaise presse : il évoque une attitude en surplomb qui est un mélange de sollicitude et de mépris. La racine du mot grec employé ici par Matthieu évoque les entrailles. Littéralement c'est être pris au ventre. Il n'y a ici ni mépris ni surplomb mais au contraire une atteinte viscérale au sens propre qui me met à la hauteur de l'autre dont la situation me touche au centre vital, me remue au plus profond de moi. Jésus est ainsi saisi par la foule révélant par la même comment son Père est un Dieu de tendresse et de pitié. C’est le mouvement même de Dieu qui se révèle en Jésus lorsqu’il est ainsi remué aux entrailles par notre déréliction, de nous voir perdus, paumés, l’évangile de Marc nous dit « parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger ». Un passage de la première prière eucharistique pour la réconciliation dit : « Nous, qui étions perdus, incapables de nous rapprocher de toi, tu nous as aimés du plus grand amour : ton Fils, le seul Juste, s’est livré entre nos mains, et fut cloué sur une croix ».

La première lecture d’Isaïe nous avertit que ce signe de la multiplication des pains est bien plus que la solution pratique à une situation d’intendance problématique pour nourrir la foule. Le texte d’Isaïe éclaire cette page d’évangile pour nous indiquer qu’en Jésus c’est le Dieu qui veut faire Alliance avec nous qui nous rejoint.

Enfin il est un point sur lequel je voudrais m’arrêter à la lecture de ce texte : Jésus lève les yeux au ciel et prononce la bénédiction. Nous passons sur cette phrase sans y prêter attention. Il est pourtant de la plus haute importance. Chez les juifs, on ne mange pas sans avoir rendu grâce. Nous le faisions aussi jadis mais nous en avons perdu le sens. On fait encore parfois en de rares occasions le bénédicité chez les scouts mais cela a souvent un caractère plus folklorique qu’éclairant. L’attitude fondamentale est de reconnaître qu’il n’y a rien que nous n’ayons reçu. A la messe, à l’offertoire, le prêtre dit : « tu es béni Seigneur, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes ». Nous entendons très bien « fruit de la terre et du travail des hommes », mais l’essentiel de cette prière, c’est « tu es béni, Seigneur, toi qui nous donnes… » L’eucharistie est précisément d’être dans l’action de grâce, c’est-à-dire de retourner au Père ce que nous recevons de Lui, à commencer par nous-mêmes qui nous recevons de Lui. C’est fondamentalement l’attitude du Fils que de se recevoir du Père. C’est parce qu’il se reçoit de son Père que Jésus peut être la révélation qu’en Lui son Père nous rejoint, et si ce signe de la multiplication des pains a des accents eucharistiques, c’est parce qu’il est dans un mouvement d’action de grâce. Il n’y a pas dans la Bible de miracles qui ne soit porteur de sens, d’ailleurs l’évangile de Jean parle de « signes ». Ce signe de la multiplication des pains nous révèle la surabondance de la sollicitude de Dieu qui vient à nous dans le Christ pour nous entraîner à sa suite dans un mouvement qui nous ramène vers le Père : c’est cela que nous sommes invités à vivre dans la prière eucharistique. Et l’eucharistie célèbre cette Alliance indéfectible qu’exprime la deuxième lecture de Paul aux Romains : « rien ne pourra nous séparer de l’amour du Christ ». Et le passage de la première prière eucharistique pour la réconciliation que je citais tout à l’heure poursuit : « Mais, avant que ses bras étendus dessinent entre ciel et terre le signe indélébile de ton alliance, il voulut célébrer la Pâque au milieu de ses disciples. » C’est ce que nous allons faire maintenant en mémoire de Lui comme il nous y a invité pour entrer dans ce mouvement d’action de grâce. Ainsi soit-il !

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