Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Bruno LACHNITT

Année B, 33ème dimanche ordinaire, Formation de nouveaux aumôniers, Lyon, 14/11/2021

14 Novembre 2021 , Rédigé par Bruno LACHNITT

Les textes que nous propose la liturgie aujourd’hui sont particulièrement abrupts. L’évangile de Marc est daté de la fin des années 60, probablement après la persécution des premiers chrétiens par Néron qui les accusa de l’incendie de Rome en 64. Ils pouvaient légitimement croire que ces temps tourmentés étaient les derniers : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive dit ce passage du chapitre 13 que nous venons d’entendre ! Et un peu avant ces lignes comme dans le texte de Daniel entendu en première lecture, on peut lire : « en ces jours-là il y aura une détresse comme il n'y en a jamais eu depuis le commencement ». Beaucoup de générations sont passées depuis, qui tour à tour ont pensé vivre « un temps de détresse tel qu’il n’y en avait jamais eu ». Et aujourd’hui encore combien dans le monde sont en droit de penser légitimement la même chose ? La liste serait longue s’il fallait citer tous les lieux où la détresse dépasse l’entendement.

S’agit-il de discerner les signes des temps pour prédire le jour et l’heure de la fin du monde ? La finale de cet évangile nous en dissuade puisque ce jour et cette heure-là, « nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père ». Par contre, juste avant, il nous est dit : « sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte », avertissement qui fait écho à la parole d’apocalypse 3,20 : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi ». Là, l’avertissement a plus figure de promesse. Allons-nous donc attendre que le soleil s’obscurcisse, que la lune s’assombrisse, que les étoiles tombent du ciel, pour entendre que le Fils de l’homme est proche, à notre porte ?

Certes, en détention on nous parle souvent de fin du monde et les circonstances géopolitiques ou climatiques alimentent l’inquiétude : le monde n’a jamais été aussi instable. Mais il me revient que Jean-Marie PETITCLERC, prêtre et éducateur, me disait un jour : on n’ouvre pas un avenir à notre jeunesse en leur disant : « Hier c’était mieux et demain, c’est la catastrophe ! ».

Or il se trouve qu’au centre de ce passage d’évangile, trois petits mots ont une musique plus entraînante : « laissez-vous instruire ! » Ils me rappellent l’ouverture de la règle de Saint Benoit : « Écoute, ô mon fils, les préceptes du Maître [ Pr 1, 8], et prête l’oreille de ton cœur [Pr 4, 20]. Reçois volontiers l’enseignement d’un père plein de tendresse et mets-le en pratique… » et le signe donné par Jésus à travers la comparaison du figuier est précisément la tendresse. Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres… Le Fils de l’homme est à notre porte, mais notre cœur sera-t-il assez tendre pour que sa Parole s’y fraye un passage ?

Le texte de Daniel en première lecture nous annonce l’imminence du jugement : les uns pour la vie éternelle, les autres pour la honte et la déchéance éternelles et nous pouvons entendre en écho le texte dit du jugement dernier en Matthieu 25. Il se trouve que nous célébrons ce dimanche la journée mondiale des pauvres voulue par le Pape François. Quand on vit dans la misère, on vit un temps de détresse comme il semble n’y en avoir jamais eu, non pas devant son téléviseur comme au spectacle d’un monde en déliquescence, mais dans sa chair. Le Fils de l’homme à notre porte prend la figure du pauvre devant qui notre porte est trop souvent fermée. Et ce n’est pas un dimanche par an que nous sommes invités à l’accueillir, mais chaque jour. Avons-nous peur du jugement ? Il me semble qu’être croyant, c’est ne pas se soucier de savoir si on sera du bon ou du mauvais côté, mais s’en remettre à la miséricorde de Dieu, et la miséricorde se moque du jugement. L’angoisse du croyant, c’est le salut des autres, pas le sien.

Un peu avant le passage que nous avons entendu, au verset 8 de ce chapitre 13 de Marc, Jésus dit que « c’est le commencement des douleurs de l’enfantement ». Il ne s’agit pas d’annoncer la détresse, mais une venue dont la détresse n’est qu’un signe. Ces textes nous invitent à nous tourner vers Celui qui vient, avec confiance et à faire œuvre de miséricorde. La fin des temps éclaire notre présent si nous ne sommes pas dans l’angoisse de la fin mais précisément présents.  Présent en français, cela désigne aussi un cadeau. Être présent, c’est être offert. Nous sommes invités à être présents à ce monde travaillé par les douleurs de l’enfantement. Ce monde est sauvé, quelles que soient les convulsions qui le secouent. Et de cela nous sommes appelés à être les témoins, au cœur de la détresse par notre façon d’y être présents en entrant dans cette dynamique du don où nous entraîne l’eucharistie. Le passage de l’épître aux Hébreux se terminait par une bonne nouvelle : « quand le pardon est accordé, on n’offre plus le sacrifice pour les péchés ». Il n’y a pas de don plus grand que celui du Christ au corps duquel nous allons communier pour qu’il nous entraîne davantage dans le mouvement du don qui libère.

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article