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Le blog de Bruno LACHNITT

Année B, 3ème dimanche de l'Avent : Is 61, 1-2a.10-11; Lc 1, 46b-48, 49-50, 53-54; 1Th 5, 16-24; Jn 1, 6-8.19-28

12 Décembre 2020 , Rédigé par Bruno LACHNITT

 

Jean-Baptiste est un personnage extravagant vêtu de poils de chameau et qui se nourrissait de sauterelles et miel sauvage. D’après l’évangéliste Luc, Jésus lui-même attestait que ses contemporains le prenaient pour un fou : « Jean le Baptiste est venu, il ne mange pas de pain, il ne boit pas de vin, et vous dites : Il a perdu la tête »[1]

Il intrigue au point que les autorités envoient des gens pour savoir « qui il est ». Ces envoyés lui demandent donc : « Que dis-tu de toi-même ? » Ce qui est étonnant, c’est que Jean-Baptiste ne répond pas en disant qui il est, mais qui il n’est pas : « Je ne suis pas le Messie ». Le Messie, c’était Celui que tout le monde attendait, celui qui accomplirait la prophétie d’Isaïe que nous avons entendue en première lecture : porter la bonne nouvelle aux pauvres, guérir ceux qui ont le cœur brisé, annoncer aux prisonniers la délivrance, aux captifs la liberté… ». Le peuple, qui vivait sous le joug de l’occupant romain, attendait du Messie la libération d’Israël.

Ce qui est frappant dans la réponse de Jean, c’est qu’il la décline d’abord en creux, son identité ; il la décline comme on décline une invitation, il déclare ce qu’il n’est pas pour éviter toute méprise. Et quand enfin il est sommé d’affirmer quelque chose sur lui-même, sa réponse n’est pas centrée sur lui, comme quand on se met en scène dans un rôle valorisant : il ne dit que la fonction qu’il exerce au service d’un autre, et c’est vers lui que sa réponse oriente. Jean le Baptiste n’est pas encombré de lui-même. Au chapitre 3 de Luc, il dit : « L'époux, c'est celui à qui l'épouse appartient ; quant à l'ami de l'époux, il se tient là, il entend la voix de l'époux, et il en est tout joyeux. C'est ma joie, et j'en suis comblé. Lui, il faut qu'il grandisse ; et moi, que je diminue ». C’est cela Jean-Baptiste, un effacement qui nous oriente vers le Christ !

Mais cette voix crie : « préparez le chemin du Seigneur ! » et l’évangile de ce jour fait référence au texte d’Isaïe que nous entendions dimanche dernier : « aplanissez sa route ». Quel est donc ce Dieu dont il faut aplanir la route ? N’est-ce pas lui qui va rendre droits nos sentiers, effacer les obstacles devant nos pas, détruire les murs qui nous séparent, ou nous enferment ? Pourquoi préparer le chemin du Seigneur, sa venue dépendrait-elle donc de nous ? N’est-il pas lui-même le chemin ?

Avant de l’accueillir dans la fragilité d’un enfant, l’appel du Baptiste est déjà invitation à nous défaire de nos rêves de toute puissance, à nous préparer à la venue d’un Dieu avec lequel nous aurions un rapport adulte. Nous savons déjà que le Dieu que nous attendons ne vient pas avec les signes de la puissance ou le fracas du tonnerre. Nous savons qu’Elie, une des références auxquelles les enquêteurs tentent d’assimiler Jean-Baptiste, l’avait reconnu au murmure d’une brise légère. Nous savons que pour que l’Amour se fraye un chemin dans notre monde, il faut que nous consentions à ce qu’il passe par nous.

Les lecteurs de l’épître de Paul entendue en deuxième lecture sont encore dans le registre de l’attente. L’occupant est toujours là, plus puissant que jamais. Y-a-t-il une différence entre leur attente et celle de ceux qui venaient vers Jean-Baptiste sur les rives du Jourdain ? Comme nous, les lecteurs de Paul, proclament leur Foi dans la victoire définitive de l’Amour avec la Résurrection du Christ.

Mais après deux mille ans d’une histoire qui semble parfois bégayer, notre impatience n’est-elle pas émoussée ? A force d’attendre, n’en avons-nous pas pris notre parti, quelle place reste-t-il pour l’espérance dans nos vies ? Autour de nous et avec nous, le monde attend. Il attend certes le vaccin après avoir attendu la fin du confinement, nous attendons que cette pandémie soit derrière nous. Mais l’espérance voit plus loin : « ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice » nous dit la seconde lettre de Pierre que nous lisions dimanche dernier[2].

Les envoyés voulaient ranger Jean-Baptiste dans une case : le Christ, Elie, le Prophète, c’était se rassurer sur son compte, et surtout ne pas entendre l’irruption inattendue de ce qu’on attend par habitude sans plus vraiment l’espérer. Car c’est là le message de Jean : ce que l’on attend, a la figure de l’inattendu, et si nous n’y laissons pas place dans nos vies, nous passerons à côté de l’irruption du Royaume sans nous en rendre compte. Nous continuerons à ronronner dans une attente religieuse bien codée qui attend surtout que rien n’advienne qui la dérange. Mais la joie est du côté de l’irruption de l’inattendu. Alors en ce temps de l’Avent et au-delà, puissions-nous veiller au chevet de ce monde comme une sage-femme à l’affut de l’enfantement, prêts à nous laisser surprendre. Ainsi soit-il !

 

[1] Luc, 7,33

[2] 2 P 3, 13

 

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