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Le blog de Bruno LACHNITT

Année C, 32ème dimanche ordinaire : 2 Maccabées 7, 1-2.9-14 ; Luc 20, 27-38

11 Novembre 2013 , Rédigé par Bruno LACHNITT

Ce ne sont pas des textes faciles. En écho, je voudrais souligner trois points.

Pas facile cette première lecture avec ces sept frères qui se font gaillardement trucider pour une histoire de viande évoque pour nous tout ce que la religion peut avoir de pire : fondamentalisme, intégrisme, archaïsme. Du mépris de sa propre vie à celui de celle des autres, le pas peut être vite franchi soi-disant au nom de Dieu, nous en voyions récemment encore l’exemple dans l’actualité. Cette religion-là nous fait peur et l’enthousiasme des sept frères peut alors nous sembler suspect, inquiétant. Saint Paul ne dit-il pas dans l’épître aux Romains que nous entendions récemment que « le royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson » mais qu’il est « justice, paix et joie dans l'Esprit Saint » ?

Pas facile non plus cette querelle byzantine rapportée dans l’évangile pour mettre Jésus à l’épreuve, ce cas d’école improbable d’une veuve ayant épuisé sept frères avant de mourir à son tour. Quel intérêt pour nous ? La coïncidence du nombre de frères n’est sans doute pas ce qu’il faut retenir pour faire le lien entre les deux textes. Mais ce chiffre, sept, m’évoque le nombre de vies données à Thibirine par ces moines qui n’avaient ni le goût, ni la vocation du martyr. Leur histoire qui a donné lieu à un film à succès, nous renvoie à la vraie question posée par la première lecture et c’est mon premier point : au regard de quoi, de qui, ma vie est-elle relative ?

Paradoxalement nous constatons dans l’actualité récente que la valeur de la vie des autres, de l’avortement à l’euthanasie semble de plus en plus relative. A contrario, nous savons à quelles lâchetés, compromissions, complicités, conduit le choix de poser la sauvegarde de sa propre vie comme valeur suprême. Y aurait-il un lien entre ces deux constats ? La vie des autres serait-elle d’autant plus relative à nos yeux que préserver la nôtre serait notre horizon ultime ? Sauver sa peau serait-il le seul but de qui n’a pas d’espérance au-delà de cette vie ?

Aucun de nous ne sait, confronté à des choix radicaux, quel courage il aurait, mais chacun peut se demander : au regard de quoi est-ce que j’aimerais avoir la force de mettre ma vie à sa juste place, c’est-à-dire au service de ce qui est plus grand qu’elle. Et Celui qui est plus grand qu’elle, c’est Celui duquel nous la recevons. Si la fidélité à Dieu passait pour les sept frères de la première lecture par quelque chose qui peut nous sembler dérisoire, sur quoi notre propre fidélité pourrait-elle aujourd’hui nous conduire à risquer notre vie ?

Cette question en suscite une autre qui traverse les deux lectures, et c’est mon deuxième point, celle de l’espérance que nous mettons au-delà de la mort. Beaucoup de femmes et d’hommes dans l’histoire ont mis leur vie en péril pour quelque chose qui les dépassait sans croire en la résurrection. Du moins reconnaissaient-ils qu’un idéal transcende cette vie. On ne peut donc se contenter d’une opposition simpliste entre ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, comme on disait jadis, d’autant que beaucoup de ceux qui croyaient au ciel se sont comportés de façon fort peu convenable pour sauver leur peau à des heures décisives.

Mais la plupart des religions ont tenté d’imaginer, de représenter l’au-delà, et la Bible elle-même est parsemée d’images qui alimentent nos représentations des cieux nouveaux et de la terre nouvelle où règnera la justice. La question de la continuité ou/et rupture entre notre expérience de cette vie et celle que nous espérons au-delà de la mort nous travaille. L’évangile d’aujourd’hui met l’accent sur la rupture et nous évite de penser la vie éternelle sur le mode du même en mieux ou sans fin. Et la même chose sans fin, même en mieux, cela pourrait vite être infernal.

Mais, et c’est le troisième point qui réunit les deux précédents, les béatitudes que nous avons réentendues à la Toussaint nous indiquent que la récompense est déjà là : heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le royaume des cieux est à eux. C’est au présent que l’irruption du royaume dans nos vies est annoncée à chaque page de l’évangile. Peut-être est-ce la preuve d’une certaine maturité spirituelle que d’être mû par autre chose que l’espérance d’une récompense à venir, de n’attendre comme le dit la prière scoute d’autre récompense que d’être unis au Christ.

Si toute représentation de l’au-delà est inadaptée, la leçon principale que nous sommes donc invités à entendre aujourd’hui, c’est que notre Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. Forts de cette assurance là, nous pouvons oser avancer avec confiance vers l’inconnu, unis dès aujourd’hui à Celui qui nous met en marche. Car si celui qui veut sauver sa peau gâche sa vie, celui qui la risque à la suite du Christ, la féconde dès aujourd’hui en vie éternelle.

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