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Le blog de Bruno LACHNITT

Fête du Christ-roi, maison d'arrêt de Corbas

21 Novembre 2021 , Rédigé par Bruno LACHNITT Publié dans #Homélies

Nous fêtons aujourd'hui le Christ Roi. L'instauration de cette fête par Pie XI s’est faite dans le contexte très tendu d’une Eglise crispée face à la modernité par laquelle l’Eglise, en l’occurrence le clergé, se sentait menacé. Le règne du Christ identifié à celui de l'Église peut nous inspirer légitimement une certaine méfiance et encore plus dans le contexte actuel où l’Eglise est plutôt invitée à l’humilité. Mais l’attitude du Christ devant Pilate est peut-être l’occasion de revisiter cette fête. Jésus dit en effet à Pilate que « son royaume ne vient pas de ce monde ».

La question est de savoir comment comprendre « pas de ce monde ». S'agit-il d'un royaume qui serait dans un autre monde ou d'un royaume dans ce monde mais pas à la manière du monde ? Quand on regarde la Bible, on constate que les prophètes ont été assez critiques sur le bilan de la royauté en Israël. Cependant ils ont repris à leur compte l'espérance d'un roi qui apporte au peuple la paix et la justice. L’attente du Messie s'est inscrite dans la lignée de David et les évangélistes eux-mêmes inscrivent Jésus dans cette lignée. En ce sens la royauté qu'il assume n'est pas complètement déconnectée du monde.

Mais c'est au Père que le Christ nous a appris à dire chaque jour « que ton règne vienne ! », et le Père est le créateur. Mais ne dit-on pas aussi que Dieu crée le monde comme la mer crée la plage, en se retirant ? Le livre de la Genèse nous dit qu'il a confié cette création à sa créature, l'homme, pour qu'il règne sur la création comme le chante le psaume 8(6-7): « Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu, le couronnant de gloire et d'honneur ; tu l'établis sur les œuvres de tes mains, tu mets toutes choses à ses pieds. » Mais nous savons bien que si l’homme règne sur la création, c’est souvent pour le pire et si Dieu régnait sur le monde, le monde serait différent de ce que nous voyons. Le nouveau testament nous dit que ce monde est au pouvoir de Satan. Et l'homme lui-même y contribue largement. Nous constatons chaque jour que le règne de l'homme sur la création la met en péril.

La différence entre être roi à la manière du monde et l'être à la manière de Dieu, Jésus lui-même nous en donne la clé lorsque Jacques et Jean revendiquent de siéger l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, dans sa gloire : « Vous le savez : ceux que l'on regarde comme chefs des nations païennes commandent en maîtres ; les grands leur font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l'esclave de tous » (Marc, 10, 42-45)

Si Jésus se révèle comme le Roi attendu par son peuple depuis des siècles, il se révèle comme un roi surprenant différent de ce que nous imaginions, annonçant un royaume déroutant. Car le chemin par lequel Dieu nous rejoint est celui d’un abaissement, « Jésus de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu mais il s’est anéanti ». C’est la logique profonde du règne de Dieu : toutes les paraboles sur le royaume de Dieu dans les évangiles nous parlent d'un avènement sans triomphe : comme le levain dans la pâte, comme un trésor caché dans un champ. Cela nous dit sans doute quelque chose de la façon dont nous sommes invités à régner sur la création : le règne de Dieu ne s'impose pas mais vient discrètement si nous savons l'accueillir. Car ce n'est que par nous qu'il peut régner sur l'univers : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu » écrit Paul aux Thessaloniciens. Et le règne du Père, c’est quand nous vivons comme des frères.

Paul dans l'épître aux Philippiens fait un lien de causalité entre l'abaissement du Christ et la gloire que nous fêtons aujourd'hui. « Il s'est dépouillé, prenant la condition d'esclave C'est pourquoi Dieu l'a souverainement élevé...afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse et que toute langue proclame que le Seigneur, c'est Jésus-Christ. » N'oublions donc jamais que la seule juste place à partir de laquelle on peut sans trop de dégâts parler du règne du Christ, c'est la dernière, celle qu'il nous invite à occuper à sa suite. Et par les temps qui courent, avec ce qu’on entend dans certains médias, il est important de rappeler que si nous comprenons le règne du Christ comme la victoire conquérante d’une religion qui se réclame de lui, nous contribuerons plus au recul de son règne qu'à son avènement. « Moi, je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, dit Jésus à Pilate. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix ». Il ne s’agit pas de prétendre posséder la vérité contre les autres, mais d’appartenir à la vérité, et la vérité, c’est le Christ : « je suis la voie, la vérité, la vie » dit-il ailleurs dans le même évangile de Jean.

Alors le règne du Christ ne peut advenir que si nous le laissons régner dans notre cœur, si nous lui faisons de la place, si nous lui laissons de l’espace pour que son Esprit-Saint puisse se déployer en nous et dire en nous dans le secret au Père : que ton règne vienne !

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